La majorité présidentielle invoque l’article 40 de la Constitution, destiné à préserver les finances publiques, pour contrer cette initiative de l’opposition. Si la loi était appliquée au sens strict, la proposition de loi Liot semblerait bien irrecevable.
Après l’article 49.3, c’est au tour de l’article 40 de la Constitution d’être au cœur du débat politique. L’exécutif l’a invoqué afin de souligner l’irrecevabilité financière de la proposition de loi du groupe centriste Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot). Ce texte vise à abroger la réforme des retraites, en la compensant financièrement par une hausse de la taxe sur le tabac.« Il est assez irresponsable de la part d’un groupe parlementaire de laisser croire qu’on peut présenter une proposition de loi qui supprime 18 milliards de ressources », a d’abord estimé la Première ministre, Elisabeth Borne, le 17 mai, qualifiant le texte de « miroir aux alouettes ». « Cette proposition d’abrogation est inconstitutionnelle » a-t-elle conclu.
Jean-René Cazeneuve, député Renaissance du Gers et rapporteur général du budget, est du même avis : « Elle ne respecte pas l’article 40 de la Constitution (…) donc sur le fond, cette loi ne devrait pas être examinée le 8 juin, en tout cas son article 1 », a-t-il renchéri le lendemain sur franceinfo. Mais disent-ils vrai ou fake ?
Une baisse des ressources publiques interdite par la Constitution
L’article 40 de la Constitution dispose que « les propositions et amendements » parlementaires sont irrecevables lorsqu’ils provoquent « soit une diminution des ressources publiques, soit la création ou l’aggravation d’une charge publique ». L’enjeu est de préserver les finances de l’Etat. En abrogeant la réforme des retraites, la proposition de loi Liot contribue bien à une baisse des ressources publiques, comme le soulignent Elisabeth Borne ou Jean-René Cazeneuve. Les macronistes estiment cette baisse entre 15 (selon Emmanuel Macron) et 22 milliards d’euros (selon la députée Aurore Bergé).
Mais dans le même temps, la Constitution autorise la compensation de ce coût par l’augmentation d’une autre recette. Il est « admis que le gage [la compensation] puisse consister en la création d’un impôt nouveau ou en la majoration du taux d’un impôt existant », précise l’Assemblée nationale dans une fiche de synthèse. Le Conseil constitutionnel exige notamment que ce gage soit « crédible et réel », c’est-à-dire reposant sur des recettes suffisantes et pérennes.
Le « gage tabac », une compensation suffisante ?
La proposition de loi Liot prévoit justement dans son article 2 de compenser la perte de recettes par une majoration de la taxe sur les tabacs. Or, pour Jean-François Kerléo, professeur agrégé de droit public à l’université d’Aix-Marseille, « le critère ‘crédible et réel’ du gage n’est pas rempli ». Il estime même qu’il y a disproportion entre les éventuelles pertes liées à l’abrogation de la réforme des retraites et les recettes fiscales apportées par le tabac. « La diminution des recettes, par le fait de revenir à l’âge légal précédent [62 ans], n’est pas suffisamment compensée par le gage tabac. Habituellement, on utilise ce dernier pour compenser une diminution de recettes raisonnable, pour un amendement qui n’a pas d’impact significatif sur le budget. » Autrement dit, la compensation proposée par le groupe Liot n’est pas suffisante et, en ces termes, la proposition de loi est irrecevable financièrement.
Ce « gage tabac », loin d’être original selon l’enseignant, avait déjà été jugé insuffisant pour compenser des baisses de recettes dans le projet de loi Egalité femmes-hommes (2013) ou encore dans le cadre du projet de loi de finances pour 2014. A l’inverse, il est arrivé que le gouvernement supprime le « gage tabac » lorsqu’il éta
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